" ... C’est à ce moment-là que le sol se met à trembler ... "
Ce mardi 5 mars 1901 commence comme les autres. Les aiguilles des horloges indiquent 7h45, l’heure indiquant aux Hendayais qu’il est temps de rejoindre leurs occupations, pour ceux qui ne sont pas déjà aux champs ou en service. Plus tard, on aura le temps de discuter sur l’avenir des Congrégations ou sur la guerre des Boers. Les journaux, de toutes sensibilités, livrés par le train fourniront précisions et commentaires.
C’est à ce moment-là que le sol se met à trembler avant une détonation imposante. L’effroi pour certains est renforcé par le bruit des vitres explosant et se répandant sur le sol. Pour d’autres, il accompagne, la vision angoissante de cette épaisse et solide cheminée de l’usine d’emballages cylindriques qui oscille pendant de longues secondes.
La stupeur passée, les supputations allant bon train, les nouvelles sont arrivées, surtout à travers le pont international de chemin de fer. L’explosion est à Irun. Elle n’a rien à voir avec la situation du gouvernement à Madrid. En fait, la Douane en gare d’Irun n’est plus.
En effet, 42 caisses contenant pour la plupart des amorces de mines au fulminate (3 136 Kg) et pour les autres (616 kg) des capsules pour revolvers, ont explosées. Le bilan est épouvantable. Six morts, douaniers et employés des transitaires. Pour seulement deux on a retrouvé les corps intacts, les quatre autres étant affreusement déchiquetés et dispersés dans les ruines. Il y a aussi 8 blessés sérieux dont le livreur de 17 ans de la « Voz de Guipuzcoa » qui venait, à ce moment-là, à la douane, livrer l’exemplaire du jour. Le bilan matériel est à la hauteur ; l’entrepôt est entièrement détruit ainsi que les bureaux attenants, la gare elle-même n’en ressort pas indemne, également deux automobiles neuves entreposées n’y ont pas résisté, tout comme les quatre wagons de marchandises de la Compagnie du Midi stationnés sur une voie proche.
On suppose que les caisses qui provenaient d’Allemagne et étaient destinées à la Sociedad Española de Explosivos, ont été préparées par un douanier afin que ses chefs puissent vérifier le contenu par rapport aux déclarations. Elles ont été ouvertes à l’aide de tenailles qui en heurtant malencontreusement les capsules de fulminate ont déclenché l’explosion.
Quelques heures plus tard, les déclarations des experts nommés par le Juge de Madrid compétent, ont initié une double polémique. En premier lieu, ils se sont étonnés que des explosifs ne soient pas entreposés à l’air libre comme le recommande le règlement. En second lieu, pour eux, à l’examen des dégâts et notamment la découverte à l’endroit de l’entreposage des caisses d’un cratère de 1m de profondeur, 9 mètres de long et 4 de large, il devait y avoir une ou plusieurs caisses de dynamite. La Douane et les Commissionnaires ont objecté que les explosifs étaient à l’intérieur de l’entrepôt pour des raisons de sécurité et que les registres n’avaient aucune mention de dynamite, un produit supportant moins de droits de douane que les cartouches signalées.
En attendant, l’explosion n’a pas touché que le site de la gare. Elle a été ressentie, dans un rayon de 15 Km, par exemple à Pasajes. Le souffle a fait voler en éclat presque toutes les vitres ; les supports de câbles électriques, entreposés dans le bâtiment détruit, ont été projetés dans Irun, tuant notamment deux poules dans la cour arrière d’un restaurant. Tout comme à Hendaye, de nombreux immeubles de Fontarabie, ont eu leurs vitres brisées.
Jacques Eguimendya
Passion Txingudi
Sources : La Voz de Guipuzcoa 6 mars 1901
Eskualduna 8 mars 1901
La illusracion Española y Americana 1 mars 1901