"Faites cela en mémoire de moi"
Célébration unique pour toute la paroisse, célébration ravivant notre foi en la présence réelle du Christ dans le Pain et le Vin consacrés, l'Eucharistie du Jeudi Saint rassemble fortement les fidèles.
Trois prêtres pour célébrer, quatre servants d'autel et deux séminaristes, Rémi, en stage chez nous pour l'année et Vincent-Marie Vayné, deux ans de séminaire, qui est en formation à Rome. Il est chez nous pour quelques temps en insertion pastorale. Il reviendra régulièrement et sera là cet été.
Bienvenu à Hendaye et à Notre Dame de la Bidassoa, Vincent-Marie !
Homélie du Jeudi Saint
Bien chers amis,
Quel contraste entre l’extrême douceur de ce qui se passe ce soir, et l’extrême douleur de ce qui se passera demain :
Douceur et patience du Jeudi Saint
Douleur et violence du Vendredi Saint.
Douceur et patience du lavement des pieds et de l’institution de l’Eucharistie.
Douleur et violence de la Passion et de la mort de Jésus
Je vous propose d’habiter vraiment, de goûter cette douceur qui est celle de Jésus lui-même. Jésus n’est pas mièvre ; il est doux et humble de cœur. Sa douceur ne dépend pas des circonstances ; elle est constamment présente dans son cœur, le cœur de Dieu lui-même.
Mais ce soir, parce que ses disciples sont réunis pour la dernière fois autour de lui, parce que nous sommes réunis autour de lui, cette douceur peut davantage s’exprimer, alors que demain ce sera tellement plus difficile.
Cette douceur, nous l’appelons de tous nos vœux au cœur d’un monde saccagé par les actions terroristes, au cœur de notre communauté diocésaine et paroissiale douloureuse de ses blessures et de ses divisions, au cœur d’une planète détériorée parce que non respectée comme notre maison commune.
Ce soir, en particulier, l’infinie douceur, la délicatesse de Dieu pour ses enfants de la terre se manifeste par le lavement des pieds et l’institution de l’Eucharistie :
Le lavement des pieds, c’est le service.
L’institution de l’Eucharistie, c’est le don de sa vie.
Et ce n’est pas du hasard si les deux sont liés, car il y a une manière de rendre service où l’on ne se donne pas soi-même :
Ainsi, on peut donner de la nourriture ou un vêtement à quelqu’un qui vous réclame ce service, pour se débarrasser du demandeur plutôt que de compatir vraiment à ce qu’il vit.
Egalement, on peut dire, prononcer des paroles d’aide à quelqu’un qui en a besoin, sans habiter les mots que l’on dit à la personne aidée…
Bref, on peut rendre un service à quelqu’un (et c’est déjà bien), mais sans être présent à la personne aidée.
Ce n’est pas ainsi que Jésus entend le service. S’il joint le lavement des pieds à l’institution de l’Eucharistie, c’est pour dire que l’on ne rend un vrai service à quelqu’un qu’en donnant en même temps un peu de soi-même.
Quand Jésus lave les pieds de ses disciples au cours du dernier repas où l’Eucharistie est instituée, ce sont les mains de Dieu qui lavent les pieds des hommes, et Jésus y met tout son cœur.
Jésus doux et humble de cœur rend le plus grand des services aux hommes en se rendant présent aux souffrances et aux fatigues des hommes.
Et dans le sacrement de l’Eucharistie, il reste présent aujourd’hui encore aux souffrances et aux fatigues des hommes. Les mains de Dieu lavent les pieds des hommes, pour que le cœur des hommes se laisse toucher par l’amour doux et humble du cœur de Dieu pour eux, pour nous, pécheurs blessés.
C’est cela que Pierre refuse quand il refuse que Jésus lui lave les pieds. C’est cela que nous aussi nous avons du mal à comprendre.
Et pourtant, Jésus dit explicitement après le lavement des pieds : « C’est un exemple que je vous ai donné, pour que vous fassiez, vous aussi, ce que j’ai fait pour vous. »
Et dans le récit de l’institution de l’Eucharistie (notre deuxième lecture), Saint Paul rapporte bien ces paroles de Jésus : « faites cela en mémoire de moi. »
Nous avons donc là un exemple et un ordre :
Il y a l’exemple « pour que vous fassiez, vous aussi, ce que j’ai fait pour vous », et il y a l’ordre « faites cela ».
L’exemple est donné à tous, pour que tous les disciples de Jésus, tous les chrétiens aient une dimension de service dans leur vie, où ils mettent vraiment leur cœur en même temps qu’ils agissent.
L’ordre, lui, est donné à quelques-uns, qui sont les successeurs des apôtres et leurs collaborateurs, les prêtres. Les prêtres doivent eux aussi garder l’exemple qui a été donné à tous, mais ils doivent faire « en mémoire de Jésus » ce que Jésus a fait en donnant sa vie.
La joie d’un prêtre, c’est de donner « Dieu lui-même » au peuple de Dieu, et donc d’être comme « tout près » de cette source de douceur et de tendresse qui jaillit du cœur de Jésus.
La croix d’un prêtre, c’est de savoir qu’entre la vie donnée de Jésus et la sienne, il y a toujours une différence, un écart.
La source est infiniment pure, mais celui qui la transmet n’a pas cette beauté, cette douceur, cette pureté, cet amour qui n’appartient qu’à Dieu.
Tant et si bien qu’il y a, qu’il y aura pour un chrétien toujours un acte de foi à faire devant un prêtre : ce que le prêtre transmet de Dieu n’est qu’amour et bonté.
Ce qu’il transmet de lui-même peut polluer la source d’eau vive qui vient de Dieu.
Parfois, le péché des prêtres peut être très grave et tomber même sous le jugement de Dieu et des hommes, mais il n’en reste pas moins que personne au monde ne peut donner ce que le prêtre peut donner.
En cette Anne Sainte, Jubilé de la Miséricorde, je vous invite à vous rappeler que chaque messe nous remet en quelque sorte au Cénacle, et nous fait bénéficier de cette infinie douceur et tendresse de Dieu.
Je vous invite surtout à vouloir de vos prêtres, ce que le monde entier ne pourra jamais vous donner : le pardon de Dieu, et le corps de Jésus, c'est-à-dire sa présence servante, douce et humble au milieu de nous.
Priez pour nous, pour tous les prêtres / dont c’est la fête aujourd’hui / pour que nous puissions vraiment accomplir ce service du ministère, non pas comme une simple fonction, mais en y mettant tout notre cœur, avec la même force, la même douceur, le même amour que Jésus qui est notre exemple, notre maître et notre Seigneur.
Amen