Homélie du 1er dimanche de carême, année C
Bien aimés du Seigneur,
Depuis le Mercredi des Cendres, nous sommes entrés dans le temps de Carême : un temps d'effort, un temps de privation et de maîtrise de soi, un temps de conversion. Pour nous disposer à bien vivre ce temps de grâce et de conversion, l'Eglise nous propose aujourd’hui, l'extrait de saint Luc qui nous relate l'épisode du retrait de Jésus au désert sous la mouvance de l'Esprit.
Jésus, après son baptême, se rendit au désert poussé par l'Esprit. Le désert qu'est-ce que c'est ?
Le désert est d'abord un lieu de silence. Voilà pourquoi dans une hymne des offices, nous chantons ce qui suit : "en toute vie, le silence dit Dieu". Le désert est ensuite un lieu de prière. Assez souvent, pour entrer en dialogue avec Dieu son Père, Jésus se retire constamment à des endroits déserts, à en croire les évangiles. Le désert est enfin un lieu de tentations et d'épreuves pour l'homme et en même temps l'occasion que Dieu saisit pour manifester son soutien indéfectible à sa créature. Evidemment pour conduire le peuple d'Israël à la terre promise, Moïse, sous la main puissante de Yahvé, le fit passer par des routes rocailleuses à travers le désert pendant quarante ans.
40 Ans, voilà encore un chiffre symbolique qui nous évoque plein de souvenirs : Fuyant devant la colère et la jalousie morbides de la reine Jézabel, le prophète Elie se retira 40 jours à l’Horeb ; encore 40 jours et Ninive serait détruite ; durant 40 jours et 40 nuits, Jésus jeûna au désert ; et enfin à partir du mercredi des cendres, les chrétiens pratiqueront 40 jours de jeûne, de prières et d'aumône avant de célébrer la joie et la victoire du Ressuscité à Pâques.
Oui chers frères et sœurs, le temps de Carême est un temps d'épreuves et de persévérance; au cœur de nos souffrances ; ne perdons jamais de vue que le Christ, notre Maître, a beaucoup souffert pour nous. Il est même mort sur la croix afin de nous sauver.
Dans l'extrait de l'évangile que nous venons d'entendre, saint Luc aborde trois formes de tentations :
La première concerne le pain : L'esprit malin dit à Jésus : "Ordonne à cette pierre de se transformer en pain" Et Jésus lui répondit : "l'homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu".
Le pain, ici, renvoi au bien matériel, à tout ce qui entre en ligne de compte pour notre nourriture, notre santé, notre bien-être et notre vie. Jésus a surmonté cette tentation, car Il est totalement connecté à Dieu son Père, Il est très fidèle à sa Parole, à sa volonté. Et nous, face aux mirages du bien matériel, quelles attitudes adoptons-nous ? Avons-nous la retenue, la maîtrise de soi requises pour pouvoir déjouer les pièges du malin ?
La deuxième tentation touche à l'autorité, au pouvoir : Le diable emmena Jésus plus haut et lui montra, en un instant, tous les royaumes de la terre et lui dit : "je te donnerai tout ce pouvoir et la gloire de ces royaumes, car cela m'a été remis et je le donne à qui je veux. Toi donc, si tu te prosternes devant moi, tu auras tout".
Jésus lui répliqua sans ambages : "C'est devant le Seigneur ton Dieu que tu te prosterneras, à Lui seul tu rendras un culte". Jésus était le Fils de Dieu, Il avait tous les privilèges, Il était omnipotent et omniscient ; toutefois, devenant homme et reconnu homme à son aspect, il s'est abaissé en mourant sur la croix. Et c'est là que Dieu l'a élevé au-dessus de tout; et désormais devant lui, tout genou fléchira au Ciel, sur terre et aux enfers.
Eh bien ! Nous, comment exerçons-nous nos autorités ? Quel usage faisons-nous du pouvoir, des forces dont nous disposons ? Nos responsabilités, nos titres, nos promotions sont-ils mis au service de l'homme, ou de nos intérêts personnels ? Bref, que ce soit en famille, dans la cité, en politique ou à l'église, l'autorité que nous incarnons sert-elle au bien-être de l'Homme -grand H- ou à son asservissement ? En parlant de l'asservissement et du mépris de la race humaine, pensons à tous nos frères qui croupissent sous les bombardements en Ukraine, observons une minute de silence pour eux et disons ensemble cet Ave Maria....
Et enfin la troisième tentation a trait à la foi :"Si tu es Fils de Dieu, d'ici jette-toi en bas ; car il est écrit : il donnera pour toi, à ses anges, l'ordre de te garder ; et encore : ils te porteront sur leurs mains, de peur que ton pied ne heurte une pierre".
Alors Jésus lui répondit : "tu ne mettras pas à l'épreuve le Seigneur ton Dieu".
Chers amis, le Diable, le diviseur amena Jésus au sommet du temple pour le tenter. Mais Jésus lui résista jusqu'au bout. Nous aussi, nous connaitrons des épreuves, des tentations dans notre cheminement de foi. Nous connaîtrons des moments de souffrances atroces à cause de notre appartenance au Christ. Quand ces heures sonneront dans chacune de nos vies, armons-nous de confiance, de foi et de courage pour relever la pente.
Pour illustrer ces diverses formes de tentations énumérées ci-dessus, suivons la petite histoire :
Un jour, le Seigneur envoya à un vieil homme son ange gardien pour le prévenir que dans neuf jours, il mourrait. Aussi l'ange gardien de lui ajouta ceci : si tu as une dernière volonté à soumettre à tes proches, n'hésite pas de le faire à temps. Paniqué, le vieillard alla pleurer dans les bras de sa troisième épouse, la suppliant de le suivre le jour de son grand départ. La troisième épouse refusa la proposition et l'encouragea à aller négocier avec la deuxième. Celle-ci aussi refusa vivement. Alors déstabilisé et tout triste le vieillard se rabattit sur sa première femme et lui expliqua avec crainte et tremblement que le Seigneur Dieu l'a averti qu'il mourrait dans neuf jours et que désemparé, il voudrait se faire accompagner. Alors sa première épouse lui répondit : confiance mon cher époux, je te suivrai partout où tu iras ; ne pleure plus, calme-toi. Au jour J, la première épouse le suivit effectivement.
Chers amis, les femmes dont il s'agit : ce sont l'Avoir, le Pouvoir et notre Âme.
Quand nous baissons en âge et que la fatigue du corps nous impose son rythme, nous relativisons tout et même le matériel qui exerçait son puissant attrait sur nous, passe au second rang et parfois même nous dégoûte. Effectivement les chaussures et les belles tenues que nous portions pendant notre jeune âge deviennent inadaptées et inadaptées à notre corps qui devient fragile. L'Ecriture ne dit-elle pas : quand tu seras grand, c'est un autre qui te mettra la ceinture pour t'amener là où tu ne voudras pas y aller.
Il en va de même pour les multiples fonctions que nous occupons pendant nos carrières. Tant que nous sommes dans la fleur de l'âge, tout est encore possible. Mais quand l'âge baisse, la force, la puissance et le pouvoir, déclinent aussi et finissent par disparaître. La seule chose qui nous accompagne jusqu'à la tombe, c'est notre âme. C'est elle qui au-delà de la mort, nous suivra devant Dieu.
Oui bien-aimés du Seigneur, au cœur de nos peines et de nos joies, reprenons avec foi et confiance ces belles paroles du psalmiste : "Quand je me tiens sous l'abri du très haut et repose à l'ombre du Puissant, je dis au Seigneur : "Mon refuge, mon rempart, mon Dieu, dont je suis sûr ". Amen !