Deuil ou plaisir me faut avoir sans cesse :
Deuil, quand je vois (ce jour plein de rudesse)
Mon Rédempteur pour moi en la croix pendre ;
Ou tout plaisir, quand pour son sang épandre
Je me vois hors de l'infernale presse.
Je rirai donc : non, je prendrai tristesse.
Tristesse ? oui, dis-je, toute liesse.
Bref, je ne sais bonnement lequel prendre,
Deuil ou plaisir.
Tous deux sont bons, selon que Dieu nous dresse
Ainsi la mort, qui le Sauveur oppresse,
Fait sur nos cœurs deuil et plaisir descendre :
Mais notre mort, qui enfin nous fait cendre,
Tant seulement l'un ou l'autre nous laisse,
Deuil ou plaisir.
Clément Marot (1496 - 1544)