« Seigneur, je ne suis pas digne de te recevoir… » Cette parole que nous disons parfois machinalement à la messe, comment devons-nous la comprendre ? Comment trouver le juste équilibre entre conscience de notre indignité et nécessité de recevoir le Corps du Christ ?
Lorsque l’on commence à être conscient de la grandeur de l’Eucharistie, on peut être effrayé. Recevoir le Christ ! Mais j’en suis indigne ! Rien que ce matin, avant la messe, j’ai : houspillé les enfants, médit sur la voisine, râlé contre mon conjoint…
L’Eucharistie n’est pas un prix destiné aux parfaits
« Vous n’en êtes pas dignes, mais vous en avez besoin », avait coutume de répondre le saint Curé d’Ars. C’est parce que nous sommes pécheurs et faibles (comme dirait saint Paul, nous ne faisons pas le bien que nous voulons et nous faisons le mal que nous ne voulons pas…), que nous avons besoin de cette nourriture.
Car l’Eucharistie n’est pas une récompense ! Elle n’est pas « un prix destiné aux parfaits, mais un généreux remède et un aliment pour les faibles », écrit le pape François dans Evangelii gaudium (n° 47). Un remède, qui guérit l’homme blessé par le péché et lui donne la vie éternelle. Un aliment qui fortifie notre charité, la fait « repartir », et qui réalise peu à peu l’unité du Corps du Christ – dont font partie notre conjoint, nos enfants, notre voisine…
La sainte Communion est le moyen suprême de vivre en Jésus Christ : communions donc, communions le plus souvent possible ; un chrétien est par vocation un homme eucharistique.
Mgr de Ségur
Avons-nous besoin de l’Eucharistie ?
Il ne s’agit donc pas de tomber dans le scrupule. « Quand le diable a réussi à éloigner une âme de la sainte Communion, il a tout gagné et Jésus pleure », n’hésite pas à écrire sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus ! À l’inverse, il ne s’agit pas non plus d’aller communier par automatisme ou avec un péché grave sur la conscience.
Demandons-nous si nous avons un profond besoin de l’Eucharistie. Si oui, nous reconnaissons dans l’hostie consacrée le Christ ressuscité et avons conscience que nous sommes, non des « purs », mais des pécheurs qui ont besoin de la miséricorde du Christ. Nous sommes donc dans une démarche qui associe foi et humilité.
Devant la grandeur de ce sacrement, le fidèle ne peut que reprendre humblement et avec une foi ardente la parole du centurion : “Seigneur, je ne suis pas digne de te recevoir, mais dis seulement une parole et je serai guéri.”
Catéchisme de l'Église catholique n° 1386
L’humilité nous pousse ainsi à communier même si nous nous en trouvons indignes… ou, au contraire, à reconnaître que, ayant rejeté hors de notre cœur l’amour de Dieu par un péché grave, nous avons besoin de nous confesser auparavant.
La foi nous fait « discerner le Corps du Christ », comme le dit saint Paul avec énergie : « Celui qui mange et qui boit, mange et boit son propre jugement s’il ne discerne pas le Corps du Seigneur » (1 Corinthiens 11, 27-29). « Discerner le Corps », cela veut dire reconnaître le Corps du Christ ressuscité dans l’hostie consacrée, mais aussi son Corps qui est l’Église.
Pour une communion… active !
Car l’Église et le Christ forment un tout indissociable : nous ne pouvons rejeter consciemment l’enseignement de l’Église (concernant le respect de la vie, le mariage, la charité, la recherche de la vérité…) et communier au Corps du Christ. « C’est Jésus qui communique la vie divine, c’est-à-dire la grâce, écrit Nicolas Buttet dans L’Eucharistie à l’école des saints . Et cette grâce passera toujours mystérieusement par l’Église et par les sacrements. Parce que le Christ l’a voulu ainsi. […] Pour le reste, c’est le secret de la surabondante miséricorde du Cœur du Christ […]. Dieu n’est pas tenu aux sacrements pour communiquer sa grâce. Mais il s’agit de Dieu et de lui seul. Notre part de baptisé, c’est d’obéir à l’Église. »
Nicolas Buttet écrit en pensant en particulier aux personnes divorcées et remariées civilement. Ces personnes ne peuvent pas communier sacramentellement au Christ Époux car leur état de vie contredit douloureusement leur fidélité à la parole donnée. Cependant, elles ne sont pas coupées de la grâce et demeurent membres blessés de l’Église. Elles peuvent accueillir le don de Dieu dans la prière, la communion spirituelle et la charité.
Bien plus, les personnes empêchées de communier sacramentellement peuvent nous révéler ce versant trop souvent ignoré de l’Eucharistie : l’offrande spirituelle, par chaque baptisé, du sacrifice du Christ et de soi-même. « Le Christ célèbre la messe avec tout son corps, et [nous sommes] les membres du Christ. Cela confère donc à chacun d’entre [nous] un pouvoir réel, qui est aussi un devoir : offrir le sacrifice du Christ à son Père […] et nous offrir avec lui en sacrifice, hostie avec l’Hostie », écrit l’abbé Alban Cras dans la revue Tu es Petrus (2).
Notre « sacerdoce royal », comme l’appelle saint Pierre (1 Pierre 2, 9), n’est pas sacramentel, comme celui des prêtres, mais uniquement spirituel ; il n’en est pas moins réel. Voilà la « participation active » qui nous est demandée, à chaque Eucharistie : l’offrande intérieure du Christ et de soi-même. Pas question de recevoir passivement l’hostie, par habitude, comme un dû !
Grâce à l’Eucharistie, il n’y a plus dans le monde de vies inutiles ; personne ne devrait dire : “À quoi bon ma vie ? Pourquoi suis-je né ?” Tu es né pour le but le plus beau qui soit : être sacrifice vivant, une Eucharistie en même temps que Jésus.
Père Raniero Cantalamessa
À retenir – Que demande l’Église pour pouvoir communier ?
• Être baptisé et avoir « fait sa première communion » (celle-ci peut se faire à tout âge, après un temps de préparation approprié).
• Se préparer « à ce moment si grand et si saint » par un temps de prière. Qui inclut notamment un examen de conscience : « Celui qui est conscient d’un péché grave doit recevoir le sacrement de Réconciliation avant d’accéder à la communion » (CEC 1385). Un péché grave (appelé aussi « mortel ») réunit trois conditions : matière grave (précisée par les dix commandements), pleine connaissance et entier consentement (CEC 1858).
• Il est bon aussi d’adorer et de remercier le Seigneur après avoir communié : c’est le temps de l’action de grâce.
• Respecter le jeûne eucharistique : ne rien manger dans l’heure qui précède la communion, pour bien marquer la différence entre la nourriture de tous les jours et la nourriture spirituelle qu’est le Corps du Christ (l’eau ne rompt pas le jeûne, la prise de médicaments non plus).
La communion spirituelle, quèsaco ?
• Si nous ne pouvons communier sacramentellement au Corps et au Sang du Christ, à cause d’une maladie ou parce qu’il nous est impossible d’assister à la messe, nous pouvons le faire de manière spirituelle.
On appelle cela la « communion de désir ». Elle exige les mêmes conditions que celles requises pour la communion sacramentelle et nécessite trois actes :
1/ La foi en la présence réelle de Jésus au Saint-Sacrement ;
2/ l’acte de désir par lequel on s’approche de l’autel en esprit comme si on recevait l’hostie ;
3/ l’action de grâce.
Elle peut se vivre en dehors de la messe, par exemple lors de l’adoration eucharistique.
Notons que cette communion spirituelle accompagne normalement toute communion sacramentelle. Si nous communions de manière « automatique », sans foi ni désir, nous recevons bien le Christ, mais nous ne lui donnons aucune latitude d’action en nous !
• Si nous ne pouvons communier sacramentellement en raison d’un péché grave ou d’une situation de vie particulière, une communion spirituelle peut être vécue comme tension vers Dieu, vers le pardon du péché et vers la conversion de vie. On appelle alors cette communion spirituelle au sens large le « désir de la communion » : c’est une communion en espérance.
Marie de Varax - Famille Chrétienne