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Quand les îles de la Bidassoa font rêver
Quand les îles de la Bidassoa font rêver
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| Jacques Eguimendya 732 mots

Quand les îles de la Bidassoa font rêver

Rêves d’ancêtres

Nous sommes en juin 1912. La croyance dans le progrès technique est sans faille. Les vaccins vont empêcher les maladies. Le toujours plus vite, toujours plus haut est dans sa phase de décollage, sous le regard émerveillé des foules. Tout serait pour le mieux dans le meilleur des mondes si les bruits de bottes ne se faisaient entendre au Maroc et si les puissances européennes ne jouaient pas à celle qui a les plus gros biceps. C’est dans ce contexte que notre ami Juan de Uranzu (pseudonyme), journaliste à La Nueva Frontera laisse vagabonder son esprit.

Assoupi, à l’ombre, sur un banc, en ses premiers jours de chaleur, sa rêverie le projette en 1940. Débarquant du train en gare « Del Norte », après 30 ans d’absence, il est sidéré par l’aspect de sa bonne ville. Étendu le long de la Bidassoa. Le gros bourg commercial d’antan est devenu une importante ville industrielle. Tout l’interpelle ; l’urbanisme, l’industrie, les actions sociales, les transports et sa nouvelle fonction balnéaire développée dans le cadre des Îles et de la rive gauche de la Bidassoa.

Côté urbanisme on loue sa perspicacité dans l’anticipation. Dans sa vision le Paseo de Colon, la Plaza del Ensanche et « l’Avenida de Francia » ont l’aspect d’aujourd’hui. L’industrie y est décrite selon les standards de l’époque ; une grosse unité sidérurgique, alimentée par les mines de Navarre, qui nourrit des unités transformatrices. Les transports collectifs nous font rêver, les transports commerciaux beaucoup moins. Les tramways électriques irriguent tous les quartiers de la ville. Les baigneurs, pour aller à Ondarraitz, ont le choix entre ces derniers et le « Ferrocarril de la Costa » unissant les villes côtières de Bilbao à Biarritz. Côté commerce, jusqu’à 20 paquebots utilisent chaque jour le port de Plaïaundi relié à la mer par le canal remplaçant la dangereuse passe de l’embouchure de la Bidassoa entre Fontarabie et Hendaye. Quant au social, il s’agit d’importants lotissements en accès à la propriété promus par la municipalité à des tarifs étudiés.

Prospective (le mot n’existait pas en encore, en 1912) ou message subliminal, la vision des Iles de la Bidassoa (Hirukanale, Galera et Santiago Aurrera), à l’époque objets de frictions entre leurs cultivatrices et les « Carabineros », donnant même l’occasion d’une médiation de la Reine régente Isabel, mérite que l’on s’y attarde. En effet, en cette année 1940 imaginaire, des investisseurs venant de Monaco après un différend d’ordre financier, souhaitent concurrencer Monte-Carlo. Pour cela ils achètent les trois iles. Les deux premières font l’objet d’un programme immobilier composé de pavillons individuels disposés autour d’aires de jeux modernes. Au centre de l’une d’elle se détache, signature architecturale, le Casino. La troisième est rendue à l’état sauvage et peuplée de lièvres et lapins afin de satisfaire les joueurs passionnés de chasse. Sur les rives de ses iles sont disposés des pontons et des mini-plages artificielles. Les résidents y attendent les vapeurs et les engins volants pour rejoindre les plages d’Ondarraitz et Fontarabie.

Cette vision des iles, qui va à l’encontre des préoccupations et perspectives Natura 2000 d’aujourd’hui, est tout autant un clin d’œil aux problèmes et innovations de l’époque qu’un exercice d’anticipation. En effet, en cette fin de printemps 1912, le Gouverneur Civil de Guipuzcoa sur ordre du gouvernement

vient de supprimer (en le fermant) la tolérance du Grand Casino de San Sebastian, seul établissement espagnol à offrir des jeux de hasard.

La « jet-set » de l’époque qui avait abandonné Baden-Baden et les bords du Rhin pour San Sebastian, privée à nouveau de jeux, n’hésitera pas à prendre ses quartiers à Biarritz. Quant au lotissement il répond à celui de Martinet à Hendaye-Plage. Les engins volants sont inspirés de « l’hydroplane » de Paulhan et de ses essais et exhibitions, au mois d’avril précédent, sur la Bidassoa, ainsi que du projet de création d’École d’aviation à Fontarabie.

Réveillé en sursaut par l’arrosage de la rue, notre journaliste, retrouva directement la réalité de sa chère année 1912…heureusement sans passer par les années 1914 -1918.

Jacques Eguimendya

AGORA-Txingudi

Juin 2017

 

Références : La Nueva Frontera du 08, 15, 22 juin 1912,

El Bidasoa 02 octobre 1910, 08 janvier 1911

El Turismo del juego a comienzos del siglo XX en España, Miguel Pino Abad

International Journal of Scientific, Management and Tourism – 2017

Estudio Fitogeográfica y botánico de las islas del Bidasoa

Pedro Jose Lozano Valencia – Ismael Alagon Cardoso – Lurralde 1995

Décision de la Commission Européenne du 22 décembre 2009

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