Soirée du 2 novembre au sommet de la Rhune
Regarder et rêver !
Le Rendez-Vous Perpétuel
par Louis Aragon
J’écris contre le vent majeur et n’en déplaise
À ceux-là qui ne sont que des voiles gonflées
Plus fort souffle ce vent et plus rouge est la braise
L’histoire et mon amour ont la même foulée
J’écris contre le vent majeur et que m’importe
Ceux qui ne lisent pas dans la blondeur des blés
Le pain futur et rient que pour moi toute porte
Ne soit que ton passage et tout ciel que tes yeux
Qu’un tramway qui s’en va toujours un peu t’emporte
Contre le vent majeur par un temps nuageux
J’écris comme je veux et tant pis pour les sourds
Si chanter leur paraît mentir à mauvais jeu
Il n’y a pas d’amour qui ne soit notre amour
La trace de tes pas m’explique le chemin
C’est toi non le soleil qui fais pour moi le jour
Je comprends le soleil au hâle de tes mains
Le soleil sans l’amour c’est la vie au hasard
Le soleil sans l’amour c’est hier sans demain
Tu me quittes toujours dans ceux qui se séparent
C’est toujours notre amour dans tous les yeux pleuré
C’est toujours notre amour la rue où l’on s’égare
C’est notre amour c’est toi quand la rue est barrée
C’est toi quand le train part le cœur qui se déchire
C’est toi le gant perdu pour le gant déparé
C’est toi tous les pensers qui font l’homme pâlir
C’est toi dans les mouchoirs agités longuement
Et c’est toi qui t’en vas sur le pont des navires
Toi les sanglots éteints toi les balbutiements
Et sur le seuil au soir les aveux sans paroles
Un murmure échappé Des mots dits en dormant
Le sourire surpris le rideau qui s’envole
Dans un préau d’école au loin l’écho des voix
Un deux trois enfants qui comptent qui s’y colle
La nuit le bruire des colombes sur le toit
La plainte des prisons la perle des plongeurs
Tout ce qui fait chanter et se taire c’est toi
Et c’est toi que je chante AVEC le vent majeur