Homélie du 4è dimanche de carême année C
27 mars 2022
Chers frères et sœurs, dans la liturgie de ce jour, l'église nous propose de méditer sur les déboires du fils prodigue.
Voilà le cadet d'une fratrie de deux enfants qui va voir son père, le sommant de lui rendre la part d'héritage qui lui revient. Dans la culture africaine, on aborde la question de l'héritage si et seulement si les parents ne sont plus de ce monde. Alors si un enfant vient à réclamer l'héritage à ses parents encore vivants, cela peut être mal interprété : cette demande peut être perçue comme une insolence ou comme une attitude patricide. Et dans le cas échéant, l'enfant qui affiche une telle outrecuidance est convoqué devant le conseil famille et, après l'avoir sermonné, on lui administre une correction sévère. Dans le cadre de l'évangile que nous venons d'entendre, la liberté du fils prodigue a semblé primer sur l'autorité paternelle. En effet le père, sans pour autant s'opposer, a cédé à l'enfant capricieux, la part d'héritage qui lui revient convenablement.
Quelques jours après, le voilà qui part pour un pays lointain, sans laisser d'adresse. Aveuglé par les plaisirs de la chair, il dilapida en un temps record, toute la fortune que son père lui a laissée et s'est malheureusement retrouvé dans la misère. Alors que faire ? Dépourvu désormais de tout et même du juste minimum, il se souvint de la bienveillance de son père : "combien d'ouvriers de mon père ont du pain en abondance et moi, ici je meurs de faim ! Je me lèverai et j'irai vers mon père, et je lui dirai : Père, j'ai péché contre le ciel et envers toi. Je ne suis plus digne d'être appelé ton fils. Traite-moi comme l'un de tes ouvriers".
Face aux épreuves de la vie, l'enfant prodigue réalisa sa difficulté à vivre loin de son père et décida de retourner vers lui pour le supplier de l'accepter comme l'un de ses serviteurs. Oh ! quelle infamie quand l'héritier vient à perdre tout privilège dans la maison de son père.
A l'instar de cet enfant capricieux et dépensier, nous aussi, nous aimons parfois prendre le large pour vivre des aventures qui fragilisent et détruisent nos relations avec Dieu, notre père. Evidemment toutes les fois où nous nous enlisons dans le péché, nous rompons tous liens avec le Père des miséricordes, c'est -à-dire Dieu.
Ce qui est surprenant dans le texte de l'évangile d’aujourd’hui, c'est qu'on s'attendait à ce que une fois le fils prodigue revenu, le père se mette à l'insulter et à le molester. Mais bien au contraire, c'est le père en premier qui vit son fils au loin et se mit à courir vers lui pour le couvrir de baisers. Et la suite du récit, vous le connaissez bien :" vite, apportez le plus beau vêtement pour l'habiller, mettez-lui une bague au doigt et des sandales aux pieds, allez chercher le veau gras, tuons-le, mangeons et festoyons ".
Quel père en ce monde est capable d'une telle tendresse ? Seul le Seigneur Dieu de l'univers en a la force. Car quelles que soient nos offenses, ses entrailles débordent toujours d'un torrent de miséricorde. Quoi qu'il arrive, il nous comprend, nous accepte, prend patience envers nous et nous restaure dans notre dignité d'enfant de Dieu.
La suite du texte nous apprend que le fils aîné était au champ et une fois rentré et ayant entendu la musique et les danses organisées pour accueillir en triomphe le retour de son frère cadet s'irrita et refusa de rentrer dans la maison familiale. Tout comme le père le fit pour l'enfant prodigue, le voilà qui se lance à la rencontre du fils aîné pour le ramener à des meilleurs sentiments vis-à-vis de son frère, mais l'aîné s’obstina : " Voilà tant d'années que je suis à ton service sans avoir jamais transgressé tes ordres, et jamais tu ne m'as donné un chevreau pour festoyer avec mes amis. Mais quand ton fils que voilà est revenu après avoir dévoré tout ton bien avec des prostituées, tu as fait tuer pour lui le veau gras.
Ce fils aîné intransigeant, c'est toi et moi dans notre amour jaloux et calculateur, un amour orgueilleux qui nous aveugle les yeux et nous empêche d'accueillir notre semblable, fût-il un frère. Dans la tête du fils aîné, le cadet n'existe plus, il a du mal à l'accepter comme un frère et c'est d'ailleurs pourquoi il dit : quand ton fils que voilà est revenu, tu lui fais tuer le veau gras".
Oh Seigneur ! quand les loisirs et les jouissances de ce monde nous égarent loin de toi, quand la jalousie et l'envie nous poussent à nous acharner contre nos frères, inonde nos cœurs de ton torrent de miséricorde, dépouille-nous de l'homme ancien et restaure en nous l'homme nouveau qui n'est rien d'autre que la vraie image de Dieu. Amen !