30ème DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE C
Jésus avait l’œil et le cœur sensibles aux comportements des gens de son temps :
Il avait remarqué que certains hommes étaient convaincus d’être justes et méprisaient les autres.
Oui, ils sont nombreux ceux qui sont convaincus de leur supériorité.
Nous sommes même tous plus ou moins atteints par ce microbe.
Nous nous comparons aux autres, mais pas souvent en notre défaveur !
Et nous voilà en présence de deux hommes : un publicain et un pharisien ; ils sont tous les deux montés au Temple pour prier.
Nous voyons d’abord le pharisien : il priait en lui-même…
Il y avait beaucoup de positif chez les pharisiens.
C’étaient des hommes pieux, fidèles à la loi de Moïse.
Ils voulaient être des « séparés » : c’est le sens du mot Pharisien.
Séparés de toute infidélité à la Loi et à la tradition des anciens. L’intention était très bonne….
Mais tout en rejetant le péché, ils rejetaient les pécheurs.
Ils vivaient en « séparés » de ceux qui ne partageaient pas leur façon de vivre.
Alors s’installait dans leur cœur le mépris des autres et l’orgueil qui, comme un ver dans un fruit, abîme tout.
La prière du pharisien devient une contemplation de lui-même ;
Il énumère les fautes qu’il n’a pas commises, lui.
Il étale ses bonnes œuvres…
Il s’attribue le mérite de ce qui est en réalité l’œuvre de la grâce de Dieu.
Il retourne de cette prière comme il était venu,
enfermé dans son mensonge : car s’il jeûne et donne la dîme, il méprise son frère, qui est fils bien-aimé du Père du ciel. Il ne sait donc pas que jugeant et méprisant son frère, il juge et méprise Dieu ? Sûrement cet homme n’est pas ajusté à Dieu !
Nous voyons ensuite l’autre homme, le publicain, au fond du Temple. Lui, n’ose pas lever les yeux vers le ciel… mais, sans aucun doute, son cœur est tourné vers Dieu et non vers lui-même.
Il appelle Dieu au secours.
« Mon Dieu, montre-toi favorable au pécheur que je suis ! »
Il ne te détaille pas ses fautes ; Dieu les connaît mieux que lui. Il confie sa misère à la miséricorde du Seigneur, il s’en remet à son amour.
Pourquoi était-il resté au fond du Temple, “n’osant
même pas lever les yeux” ? Parce qu’il se savait pécheur, loin de Dieu donc ? Sans doute ! Mais l’était-il vraiment ou croyait-il l’être à cause du regard et du jugement des pharisiens ? Leurs condamnations, leur justice, leur proclamation d’auto-sainteté, étaient si loin de sa pratique à lui… alors, si eux qui le jugeaient étaient proches de Dieu, lui se sentait loin.
Et pourtant il l’aimait ce Dieu vers lequel il était
monté. Il savait bien que tout au fond de son cœur, sous la crasse et les croûtes, malgré le jugement d’autrui, il y avait quelque chose de beau ! Une foi, une espérance, un amour, un désir de justice… c’est à cette profondeur qu’il fut rejoint par le “je t’aime” de Dieu et qu’il retourna, justifié, à la maison.
Et quelque part dans ce Temple, comme ici à
l’église, il y a nous, bien sûr.
En nous mettant face à notre incorrigible propension à juger, à condamner et à toujours nous croire meilleurs que les autres, l'évangile de ce jour nous révèle, une fois, encore, son éternelle actualité !
Sans détour, le Christ nous prévient : « Qui s'élève
sera abaissé ; qui s'abaisse sera élevé. » Rude mais forte vérité qu'il nous faut méditer. Combien de fois le poison du jugement et de la comparaison ronge nos communautés chrétiennes : telle attitude, tel geste à la messe est jugé ‑suivant le « camp » auquel on appartient- comme « moderne » ou au contraire comme « tradi » ; combien de piètres conflits au sujet de la liturgie qui, plus que tout autre, devrait être le lieu de la communion !
Même refrain dans le domaine de la morale : les
« bons » chrétiens montrent du doigt celles et ceux que les blessures de la vie ont mis en marge de ce qu'ils croient être la « vraie morale catholique » ! Nous avons toutes et tous en tête des exemples de jugement à l'emporte‑pièce dont nous avons été les victimes ou, au contraire, les initiateurs...
L'idéal aurait été que ces deux hommes si opposés
entre eux se mettent ensemble pour faire monter leur prière vers Dieu et qu'ils disent d'une même voix : "Prends pitié des pécheurs que nous sommes… Prends pitié de moi qui fais du tort aux autres en les volant quand je collecte les impôts pour les Romains… Prends pitié de moi qui me crois supérieur aux autres par mes pratiques religieuses qui ferment mon cœur… Prends pitié de nous deux quand nous sommes fâchés entre nous…"
Et le Seigneur aurait dit : « Quand deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis là au milieu d'eux. »
C'est cette prière commune qui nous permet de vraiment nous rapprocher de Dieu mais aussi des autres.
Car le Seigneur est là pour nous dire qu'il se reconnaît en chacun de nous.
Et il veut nous apprendre à nous regarder et à nous aimer comme des frères et des sœurs.
Chaque dimanche, quand nous nous rassemblons à l'église pour prier, nous sommes invités à unir notre prière à celle de tous les autres et à celle de tous les chrétiens du monde entier qui célèbrent le jour du Seigneur.
Alors nous pourrons rentrer chez nous devenus "justes", ajustés à Dieu.
Amen.