"Je suis son égal". Ces mots sont de l’or ou du plomb selon qu'ils s’adressent à un milliardaire ou à un bossu, selon que c’est l’envie ou la fraternité qui les dicte.

Gilbert Cesbron - Ce que je crois.

Dans l'article précédent, sur la liberté, j'écrivais "au temps de la traite des noirs l'homme blanc, supérieur est libre, et l'homme noir inférieur, ne l'est pas", afin de signaler le lien étroit entre égalité et liberté.

En effet, si la liberté de chacun se veut sans limite, alors on fabrique une société à deux étages; ceux qui conquièrent leur liberté aux détriments des autres (le noir soumis au blanc), et ceux qui subissent les effets de la liberté de ces premiers. Cela ressemble à l'économie du monde qui balance entre la liberté d'un libéralisme décomplexé, paradigme du fonctionnement de la société pour certains, et le refoulement des immigrants dans les espaces où la vie est devenue impossible en raison de la pauvreté, de la faim, de la guerre, des dictatures. Cela ressemble aussi à l'évolution du climat de la terre où les uns profitent sans vergogne de tout ce que leur apportent les technologies au détriment du climat et des espèces, mais surtout au détriment des populations qui subissent sécheresses longues et répétées, cyclones ou typhons dont le rythme s'accélère, innondations et montée des eaux condamnant des peuples à l'exil. La liberté des premiers exclut les autres de l'égalité à jouir des mêmes privilèges.

Il est intéressant de remarquer le délai qui sépare la Déclaration d’indépendance des États-Unis (1776) et l'abolition de l'esclavage dans ce même pays (1865). L'indépendance des EU est bien sa prise de liberté par rapport au Royaume de Grande-Bretagne, pays tutélaire. Mais il a fallu presqu'un siècle pour que l'égalité de cette mesure s'applique aux noirs du pays. Et combien de temps encore pour que hommes noirs et blancs finissent par vivre fraternellement?

Serait-ce une invention de l'homme? L'égalité n'est pas inscrite dans le patrimoine génétique de chacun. Le hasard de la naissance inscrit chaque enfant dans une destinée qui laisse toute sa place à l'arbitraire...

On choisit pas ses parents, on choisit pas sa famille

On choisit pas non plus les trottoirs de Manille

De Paris ou d´Alger pour apprendre à marcher

Etre né quelque part, être né quelque part

Pour celui qui est né c´est toujours un hasard

Maxime Le Foretier

... qui laisse toute sa place à la différence mais aussi la diversité, à l'inégalité mais aussi l'altérité, comme une obligation qui serait faite à l'homme de composer harmonieusement avec son prochain. A nous de faire une relecture de l'épopée de la tour de Babel dans la Genèse chapitre 11.

L'égalité des hommes peut se décréter, mais en réalité c'est un long combat qui ne cesse jamais, toujours à reprendre par chacun dans la réalité de sa vie. Car, loin de dépendre de règles, de décrets et de lois, ce combat se vit d'abord dans le cœur de chaque homme. Alors l'égalité n'est autre qu'un horizon, un défi auquel il faut s'atteler librement. Seule cette liberté d'adhésion pourra être garante de son authenticité. En somme, l'égalité est une espérance, l'espérance qui devrait nous porter quand on constate quotidiennement toutes les blessures, corruptions et infamies qui lui sont faites.

Il n’y a plus ni juif ni grec, il n’y a plus ni esclave ni homme libre, il n’y a plus l’homme et la femme, car tous, vous ne faites plus qu’un dans le Christ Jésus. (Galates: 3, 28)

Didier HOUDIN