Églises Saint Vincent et Saint Jacques
Les cicatrices de l'histoire
Un peu d'histoire
Notre église - Saint Vincent - porte en elle, le témoignage de la colère et de la fureur des hommes, avec ces deux pierres, ces deux armoiries mutilées, blessées. Toutes les deux situées au dessus des portes. Une sous le porche, sous le clocher, l'autre sur le côté droit de l'église Saint Vincent.
Ici, l'histoire mémorielle du Royaume de France, et du Pays Basque, se rappellent à nous. Ces pierres portent en elles les cicatrices d'un passé, qu'il nous faut maintenant comprendre.
Tout d'abord elles représentent les armoiries du Royaume de France et de Navarre.
Détaillons ces symboles Royaux :
La couronne Royale - détruite - atteste la reconnaissance vouée par Hendaye au Roi, qui en 1654 lui a accordé son édification en communauté. En fait, c'est Anne d'Autriche régente du Royaume de France pendant la minorité de son fils - Louis XIV - qui a favorablement accordé que notre ville, un simple hameau alors, devienne une communauté indépendante d'Urrugne, administrée par un maire Abbé et quatre Jurats.
Un grand nombre de villes à l'époque, et de places basques, comme le fort de Socoa et Hendaye bien-sûr, portaient les armes Royales (la couronne et les trois fleurs de lys) pour la France et (les chaînes croisées) pour la Navarre.
Il convient de noter que les armes de la Navarre ne figurent pas ici à titre d'emblème basque, mais comme identifiant, à la monarchie Française, donc Royale. On se rappelle de la phrase célèbre "Henri IV Roi de France et de Navarre"
La Navarre était jadis également un Royaume Basque dirigé par les Rois Basques de Pampelune et de Navarre : Inigo ARISTA (851), SANCHE Le Grand (1035), Garcia RAMEZE (1150), SANCHE VII Le Fort (1234) etc ... Puis par une dynastie française : Jeanne Reine de Navarre épouse de PHILIPPE IV le Bel (1314), CHARLES IV le Bel (1328) etc ... jusqu'à HENRI III de Navarre qui devient en 1589 HENRI IV Roi de France et de Navarre.
Aussi revenons plus en détail sur le symbole des chaînes croisées, les armoiries de la Navarre.
Le symbolisme des chaînes croisées du Royaume de Navarre
Dans ce pays des anciens VASCONS - La Navarre - lors de la "Reconquista" espagnole - Navarraise donc Basque - les musulmans furent défaits par deux fois ; en 843 -844 sous Sancho Inigo ARISTA, puis en 860-861 par GARCIA 1°. C'est pendant cette dernière bataille, à Pampelune justement, que le Calife voyant que ses guerriers seraient probablement débordés, décida de faire enchaîner sa garde rapprochée, afin d'être certain que ses soldats combattraient jusqu'à la fin - sans déserter -. Cruelle décision, tous furent massacrés par les Vascons (Basques) et les espagnols alliés aux Francs, pour la circonstance.
"De la vient le symbole des chaînes croisées représentant les armes du Royaume de Navarre"
Notons également que la Réconquista durera Huit siècles dans toute l'Espagne, jusqu'à la bataille finale de LAS NAVAS DE TOLOSA en 1212.
Ce fût l'un des aspects tragiques de la croisade contre l'Islam, sur une ligne de contact entre la Chrétienté et le Monde Musulman en Espagne bien-sûr et au Pays Basque, en Navarre pour notre région.
Les destructions révolutionnaires de 1789
Les écussons des Rois de France - La couronne et les trois fleurs de Lys - furent martelés peu après la révolution, en 1792, sauf celui de la Navarre, car les chaînes croisées représentaient pour les révolutionnaires, un territoire Basque, donc hors du Royaume de France. Ces chaînes sont aujourd'hui toujours bien visibles.
Sur Hendaye la révolution de 1789 semble avoir glissé sans trop de dommages bien loin des atrocités dont furent victimes des communes basques peu éloignées. La vie de notre paroisse ne se ressentit guère de la révolution, jusqu'en Aout 1792 lorsque fut proclamée - la loi de la déportation - qui frappait les religieux. Mais déjà en juillet 1790 une autre loi avait institué - le serment de Haine - que seuls acceptèrent quelques prêtres qui par le fait même se rejetaient hors de l'église. Oublions vite cette période sombre de l'histoire où notre bonne ville d'Hendaye et notre paroisse furent, semble-t-il un peu épargnées ?
Les routes Jacobites (le symbole de la tresse cordée, sous l'écu)
Juste sous l'écu se trouve une jolie tresse, en pierre, parsemée de quatre coquilles Saint Jacques. C'est le suprême témoignage, qui indique, qui jalonne les routes dites "Routes Jacobites".
Les routes de JACOBUS - Jacques en Latin - Les routes de St Jacques le Majeur, celles qui vont vers les Saintes reliques de St Jacques le Majeur, déposées à Compostelle.
Hendaye se trouve sur la route de l'océan. Une route moins difficile aux pèlerins que la route, la plus fréquentée depuis le Moyen-Age, celle de Roncevaux, passant à Saint Jean Pied de Port.
D'ailleurs sous le blason, qui se trouve sous le clocher, on distingue encore un petit personnage tenant un bâton ou une grande canne ; c'est un pèlerin en route vers ce lieu Saint de la Chrétienté en Galice - Compostelle-.
Dans la symbolique chrétienne ce pèlerin c'est Saint Jacques le Majeur " le Pèlerin par excellence". C'est pour cette raison qu'il est associé avec le symbole des routes "Jacobites". Un concept donc, puisque ce Saint est mort en martyr à Jérusalem en 44 après J.C.
Mais c'est également pour tous, un rappel, une invitation au voyage Saint, au pèlerinage ; ce cheminement physique et surtout spirituel qui change le cœur de l'homme, depuis des siècles.
Pour conclure
L'esthétique de ces pierres mutilées, répond ainsi aux sentiments intérieurs du chrétien - à savoir - la compassion, la tolérance et le pardon. En plus de l'émouvante beauté de cette belle matière minérale, c'est qu'ici, elles ont un pouvoir évocateur, une mémoire, malgré ou plutôt à cause de ces mutilations mêmes.
Un dialogue peut alors s'établir, à travers les siècles, entre les visiteurs d'aujourd'hui et ces armoiries blessées d'hier, mais qui parlent encore à nos cœurs. "Hâte toi, hâte-toi de transmettre notre message", semblent-elles nous dire.
Éclat après éclat, bris après bris, s'étend le champ destructeur de l'homme. Avec toujours l'éternel thème conduisant aux bouleversements majeurs, à toutes les époques, afin que l'acte profanateur trouve une justification ; ici une ère nouvelle, celle - d'après 1789 - que l'on espérait apaisée, moins martyrisée, moins tragique ; hélas nous savons à présent qu'il n'en sera rien !
Ces pierres, nos pierres, mémoire de l'ancien monde, mettent en perspective - Politique et Religion -. Ce sont ces fragments, ces restes minéraux ces marqueurs, qui annoncent toujours la venue d'un autre temps, forcément meilleur ? A nous d'entendre le message afin de ne pas retomber dans les violences et les erreurs du passé.
Notre religion nous en indique le chemin avec le meilleur de son message évangélique, dans une démarche spirituelle à laquelle nous invite Jésus ; à nous de le suivre ... !
Nos pierres de mémoire à St Vincent, ont cette "étincelle qu'il faut bien appeler "divine" faute de mieux. Dans cette démarche de paix, notre Sagesse Chrétienne, depuis plus de deux millénaires, à travers les Saintes Écritures et la parole du Christ, ne se lasse pas de nous proposer un modèle de vie, fait de tolérance et d'amour du prochain, dans une foi partagée et dans "la Joie de l’Évangile".
Recevons dans nos cœurs cette parole messianique et le message de l’Évangile et suivons-les... ! Faisons cet Acte d'Espérance - dans la simplicité de nos âmes et la bonté de nos cœurs.
JPR
St Jacques le Majeur en pèlerin, avec les coquilles, la calebasse, le bâton.
Ici il s'agit d'un concept, d'un idéal, puisque ce saint est mort en martyr en 44 après JC à Jérusalem
Bois de fruitier XVIII° siècle - église de Béhobie