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Dans la Ville
A Bayonne, un accueil des migrants avant leur départ pour une autre direction
A Bayonne, un accueil des migrants avant leur départ pour une autre direction
© ND de la Bidassoa

| LAVIGNE 1155 mots

A Bayonne, un accueil des migrants avant leur départ pour une autre direction

Une telle initiative du Maire de Bayonne avec l'appui de bénévoles au sein du collectif Diakité est à souligner : en effet un accueil d'urgence des migrants en transit à Bayonne a été mis en place lundi. Sans canoniser les uns et/ou les autres, chrétiens, nous voyons d'un bon oeil, ce qui se passe dans cette ville. On ne peut pas ne pas se remémorer la parabole de Jésus (Evangile selon Saint Mattieu au chapitre 25 verset 31...) : "j'étais un étranger, et vous m'avez accueilli" ; "Amen, je vous dis : chaque fois que vous l'avez fait à l'un de ce petits de mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait." 

Abbé Jean-Marc Lavigne

 

                 Article de PREMIUM JDD du 29 octobre 2018

Ils sont une dizaine de bénévoles sur la place des Basques, à Bayonne (Pyrénées-Atlantiques), à guetter les silhouettes orange, vertes, bleues et roses des cars en provenance de l'Espagne. A chaque arrêt ou presque, plusieurs sans-papiers – souvent épuisés et affamés – en descendent. Un ballet incessant dont les habitants sont désormais familiers. "Cet été encore, ils étaient une trentaine par jour, raconte Annick Sabarots, du collectif Solidarité migrants-Etorkinekin. Il y a eu une première accélération à la fin du mois d'août, mais depuis trois semaines, entre 80 et 100 personnes arrivent quotidiennement."

Face à l'urgence, un comité citoyen – devenu depuis l'association Diakité, du nom de l'un des premiers jeunes accueillis en ville – s'est créé dans la capitale basque. Sous les arbres de la grand-place, un amas de vêtements attend son heure, régulièrement brassé par les bénévoles à la recherche de pulls, bonnets, sacs à dos et chaussettes chaudes. "Certains se pointent ici en short et chemisette, soupire Amaia Fontang, porte-parole d'Etorkinekin. Ils n'ont plus rien." Près d'un banc, une femme se change rapidement à la vue de tous. Si le profil dominant reste celui du jeune homme seul, ces dernières semaines ont vu débarquer des publics plus fragiles, jusqu'alors inconnus des associations. "Il y a quelques jours, une jeune femme a accouché ici à l'hôpital, à peine sortie du car", raconte un bénévole. Une enfant de 3 ans zigzague en riant entre les sacs de voyage, sous le regard de sa mère, seule.

Conséquence de la nouvelle politique migratoire italienne

"On l'avait dit : ça va arriver!" L'explosion soudaine du nombre d'exilés n'a pas surpris Hélène ­Ducarre, présidente du groupe local de la Cimade, qui leur apporte un soutien juridique. Tous les militants associatifs s'accordent pour y voir une conséquence logique de la nouvelle politique migratoire italienne. Cet été, l'Espagne est devenue la première porte d'entrée en Europe. A la mi-octobre, la barre des 50.000 entrées clandestines depuis le début de l'année a été franchie. Beaucoup d'exilés remontent ensuite vers les Pyrénées, direction la France et le reste de l'Europe.

Les migrants ne font halte à Bayonne que le temps de trouver un bus en direction des grandes métropoles et de la région parisienne. Le maire (UDI), Jean-René Etchegaray, précise d'emblée qu'il ne veut pas que la ville devienne un "point de fixation". Ce qui ne l'a pas empêché, cette semaine, de prendre une décision plutôt inédite : en plus d'assurer l'un des trois repas quotidiens – les deux autres étant à la charge des bénévoles –, la mairie ouvre ce lundi les portes de l'ancien centre communal d'action sociale pour que les réfugiés puissent s'y reposer quelques heures ou y passer la nuit, avant de reprendre la route.

Les sans-papiers dans les "bus Macron"

Une décision osée dans le climat politique ambiant. Mardi, un campement a été démantelé à Grande-Synthe (Nord) et un autre à Nantes (Loire-Atlantique­), vendredi. Dans le JDD de la semaine dernière, le ministre de l'Intérieur, Christophe Castaner, s'alarmait de la "pression qui s'exerce à la frontière espagnole" et prônait une "politique ferme contre l'immigration irrégulière", ainsi qu'une plus grande "efficacité" des reconduites en Espagne. Dans la droite ligne de la politique d'immigration des gouvernements précédents, répressive selon les uns, ferme selon les autres. Ironie du sort, c'est bien souvent dans les cars surnommés "bus Macron" que les sans-papiers traversent à présent la frontière.

Pragmatique, le maire de Bayonne cherche à offrir une aide ponctuelle. "Que doit-on faire, laisser ces personnes vulnérables dehors, alors que la pluie et le froid arrivent? s'anime-t-il. A l'approche de l'hiver, chaque ville de France doit venir au secours des populations vulnérables. Je considère que les migrants en font partie, et qu'il est du devoir de la Ville de Bayonne de rendre possible ce transit." Au risque de créer un appel d'air? Selon certains Bayonnais, c'est là le reproche informel qu'adresse la préfecture – qui n'a pas souhaité répondre à nos questions – aux associations comme à la mairie.

Un nouveau Vintimille?

Car à la frontière, à 30 kilomètres au sud, la pression s'intensifie aussi. Aux péages autoroutiers, dans les gares transfrontalières, la présence policière est visible. Sur le pont de Santiago, entre l'Espagne et la France, la ville d'Irun et celle d'Hendaye, des caméras surveillent la limite à laquelle aucun Basque ne faisait plus attention. "Les gendarmes et policiers sont partout, mais en civil", raconte Mikel, membre du Réseau d'accueil d'Irun, qui vient en aide aux exilés sur la place de la mairie de cette ville espagnole. Comme à Bayonne, il voit chaque jour des dizaines de migrants arriver, repartir – et, pour certains, revenir, après avoir été contraints de faire demi-tour par les forces de l'ordre.

En cause, le fameux règlement Dublin, qui prévoit qu'une demande d'asile soit enregistrée dans le pays d'entrée en Europe. Nombre des migrants qui atteignent Bayonne sont ainsi déjà "complètement coincés", soupire Hélène Ducarre, de la Cimade, la mine fatiguée. Cette règle, ­Hafiziou Barry l'évoque avec une colère contenue. Parti de Guinée, il a traversé la Méditerranée jusqu'à Malaga, "à 62 sur un canot pneumatique 25 chevaux". En Espagne, on lui a pris ses empreintes. "On ne savait pas qu'on avait le droit de refuser, explique cet homme de 43 ans. L'employée des Nations unies nous l'a dit plus tard. Au moment de signer, j'ai demandé qu'on me traduise le document expliquant les conditions. Cela ne m'a pas été accordé." Opposant au parti au pouvoir dans son pays, il cherchait à rallier Paris, où vivent depuis dix ans sa mère et sa sœur.

Arrivées croissantes et serrage de vis policier : la frontière basque risque-t-elle de se transformer en un nouveau Vintimille, la ville italienne où se concentrent les migrants aspirant à passer en France? "Je ne veux surtout pas qu'on se retrouve dans cette situation, prévient le maire de Bayonne. Pour moi, ce n'est pas un risque, justement parce que nous sommes en train de tenter de la gérer." Quant à espérer enrayer le flux en surveillant la démarcation, l'hypothèse fait presque rire Mikel, du Réseau d'accueil d'Irun : "Ces gens-là ont traversé le désert, puis la Méditerranée sur des bouts de bois, ont vu mourir leurs amis. Vous croyez que la frontière française va les arrêter?" 

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